Rencontres avec des Huninguois[es]

Fernand ou... l'itinéraire d'un enfant gâté

juin 2012 / par Jean-Louis Mossière
Fernand LAMYDe la pagaie au pinceau, du Grand Nord canadien aux salons feutrés des expositions, de l’eau à la peinture à… l’eau, Fernand LAMY vit ses rêves, la vie aventurière qu’il a voulue. « J’ai la chance de faire ça ! »

Ce type-là a tiré le caïman sur le fleuve Marani en Guyane, joué les naufragés volontaires et dormi par -17°C dans la compagnie du ciel et les draps blancs de la forêt boréale du Grand Nord canadien ; aux loups, il leur offrait une aquarelle ; aux martres, il leur tannait la peau ; aux grizzlis, « leur suçait les yeux, il paraît que c’est fameux », non ! là on est moins sûr mais quand même…

Ce type-là, amoureux des espaces vierges de toute trace humaine, en aura fait des expéditions, affronté des tempêtes attelé à un traîneau, brassé des eaux vives. Ah ces descentes ! Rame, rameur, ramez…

Ce type-là, un centaure mi-homme mi-canoë aura hanté les rivières sauvages (une quarantaine d’expéditions canadiennes) comme les rapides très officiels des compétitions (quatre championnats du monde !).

La vie de Fernand, souvent homme au bivouac plutôt qu’homme au foyer et qui aura donc beaucoup ramé, c’est, c’est… « C’est l’itinéraire d’un enfant gâté » résume Claire, son épouse, qui l’aura accompagné dans quelques expéditions et puis… « ça finit par bien faire ! » lance-t-elle. Peut-être mais pas pour Fernand qui déjà se réjouit d’arroser ses 90 ans l’an prochain à la fraîche d’une rivière du Yukon ou du Québec. Donc « enfant » et « gâté » ? Sans doute quand on a la chance de vivre à temps plein sa passion pour les activités de plein air, d’être payé pour son goût de l’aventure, salarié d’un ministère des jeux et des loisirs et d’embarquer sa vie dans un canoë.

Rame, rameur, ramez…

Reste qu’auparavant Fernand LAMY aura quand même dû se mouiller dans des efforts de formation. Pour lui d’abord, les autres ensuite et devenir CTR (conseiller technique régional) de l’académie de Strasbourg. « Pendant 18 ans, j’ai été chargé de l’enseignement du ski, du canoë-kayak, de l’escalade et de la spéléo pour des cadres appelés ensuite à diriger dans des clubs et des stages. » Une vie de bougeotte. « J’étais toujours en déplacement. » Et pas vraiment à plaindre, à écouter Claire encore, qui titille l’heureux homme alors centre d’intérêt de stagiaires… admiratives.

« L’événement de ma vie »

C’était après ses 18 ans d’enseignement à Huningue et la création en 1950 du Centre d’activités de plein air (CADPA) affilié au Touring club de France, véritable pépinière d’activités de plein air à laquelle le Volley-ball club d’aujourd’hui ou le Photo club par exemple doivent leurs racines.

Ce CADPA au sein duquel il continue d’entraîner son monde en canoë sur la Loue ou sur le Doubs (« j’aime toujours autant initier les débutants ») est l’une des fiertés de Fernand.

Mais rien à voir avec 1982 et son expédition « Retour aux sources », parce que ça… « c’est l’événement de ma vie ! ».

Pensez : 9 mois vécus dans le Nord sauvage du Canada, à 400 kilomètres de toute civilisation ! Et pourquoi la galère ? « Pour voir si l’homme moderne peut s’en sortir en retrouvant des sens que la civilisation lui a fait perdre, cette vie d’assisté qui rend les gens idiots. »

Et il a vu ! Vu « que l’homme est capable des plus belles choses - chacun aurait risqué sa vie pour l’autre - comme des pires, de se créer des problèmes d’un rien, la difficulté de vivre en groupe, ce qui explique tout de notre société actuelle ».

De cette expérience de vie avec quatre hommes et quatre femmes mais sans chef, Fernand est revenu aussi avec la conviction « qu’il faut un chef ! Là-bas, on passait son temps à voter. Et le choix ne se faisait non pas sur une idée mais sur la personne qui l’avait exprimée. Comme ici en politique ! ».

Reste le bonheur aujourd’hui de pouvoir dire : « j’ai vécu ça ! » Et le tout - le pompon ! - missionné par… Jeunesse et Sports. Car, outre la technique du canoë, Fernand maîtrise l’art de séduire et de convaincre son monde (dixit Claire toujours qui n’a pas dit… « emberlificoter »).

« J’ouvre des pistes ; j’adore ça ! »

Cet homme est un perpétuel défi. « Ma compétition maintenant est dans l’aquarelle. Longtemps considérée comme un art mineur, elle a maintenant sa place à part entière. Des produits nouveaux sont apparus : un vernis qui la protège des ultraviolets, du jaunissement, du craquellement, assure la durée dans le temps. Plus besoin de la mettre sous verre. J’ouvre des pistes. Dans les expos les gens découvrent ça. Et ça marche ! J’ai décroché des prix dans des compétitions communes où je rivalise avec les huiles, les acryliques. C’est ça qui m’intéresse ! Me confronter avec les autres techniques. » Et faire partager ses expériences comme dans ses cours assurés gracieusement les mercredis à une cinquantaine de personnes dans le cadre du CADPA.

Mais l’esprit aventurier est toujours là. Ainsi ces deux cabanons dans son jardin pour rappeler sa cabane au Canada et témoigner que le bâtisseur demeure. Deux cabanons où couvent les bons moments entre amis sous le regard d’un Fernand coiffé de plumes d’indiens, là-haut dans un grand cadre sous verre.

Ce mec-là est… trappeur d’honneur de Huningue.

Jean-Louis Mossière







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